jeudi 28 janvier 2010

Votons UDC

L'illettrisme n'est pas simplement le fait de ne pas savoir lire, mais surtout de ne pas comprendre ce que l'on lit. L'Office fédéral de la culture en donne une définition (ici), qui, à défaut d'être écrite dans une langue superbe, dit bien ce que ce néologisme veut dire :

L’illettrisme est un phénomène social observable dans les pays industrialisés ; il décrit le fait d’adultes qui parlent la langue du pays ou de la région dans laquelle ils vivent, qui ont fréquenté l’école obligatoire (au moins 9 ans), mais qi maîtrisent mal les compétences de base – la lecture, l’écriture et le calcul.


Après le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, qui a pris ses désirs pour des réalités et mal compris la missive que lui avait envoyée le Premier ministre libyen [voir mon article Affaire Kadhafi: où l'on découvre qu'Hans-Rudolf Merz ne sait pas lire... ], après la déformation des propos tenus par le Professeur Uli Windisch dans Le Nouvelliste [voir mon article Uli Windisch, sociologue, a dit la vérité, il doit être exécuté ], nous avons un nouvel exemple de l'illettrisme qui sévit aussi bien en France voisine que dans les médias romands avec l'affaire de la pub de l'UDC Genève parue hier dans La Tribune de Genève [photo ci-dessus tirée du quotidien genevois ici].

L'internaute pourra juger sur pièce. Que dit donc cette pub ?

Le CEVA ?
Un nouveau moyen de transport pour la racaille d'Annemasse !
Expulsons les criminels étrangers !
Ne leur offrons pas encore un accès à Genève !
Votons UDC !

Pour l'internaute qui n'est pas du coin, il faut bien expliquer ce qu'est le CEVA. CEVA (ici) est un acronyme pour Cornavin Eaux-Vives Annemasse. C'est un projet de liaison ferroviaire entre Annemasse et la gare de Cornavin à Genève. Il s'agit de desservir une quarantaine de gares sur 60 km, de créer un RER transfrontalier Franco-Valdo-Genevois. Les CFF [Chemins de fer fédéraux] et la SNCF [Société nationale des chemins de fer français] ont créé une société pour étudier ce projet qui ne verra le jour que dans une dizaine d'années.

Qu'est-ce que la racaille d'Annemasse ? S'agit-il, comme l'interprètent les illettrés, des Annemassiens dans leur totalité, voire des frontaliers en particulier ?

Sur le site de la ville d'Annemasse (ici), le maire de gauche, Christian Dupessey, fait cette déclaration délirante, intitulée L'UDC déraille :

Par encart publicitaire et article sur latribunedegeneve.ch, l'UDC se déchaîne par des propos racistes inacceptables. Les Annemassiens sont directement attaqués dans leur honneur et leur vie quotidienne.
Le Maire d'Annemasse, au nom de tous ces concitoyens, se réserve le droit de porter plainte pour diffamation et insultes racistes.
Le Maire d'Annemasse regrette qu'un grand quotidien genevois publie de tels propos. Le Maire d'Annemasse tient à dire sa confiance dans la maturité politique et citoyenne du peuple Genevois.
C'est ensemble que nous construirons notre région commune. C'est ensemble que nous construirons la colonne vertébrale de cette région qu'est le CEVA. C'est ensemble que nous rejetterons les dérives racistes et xénophobes insupportables dans nos démocraties.

Car, si on lit cette phrase - un nouveau transport pour la racaille d'Annemasse -, sans a priori, l'emploi du terme "racaille" ne peut viser que de petites minorités troubles en provenance d'Annemasse.

Que signifie en effet le mot "racaille" ? Le Larousse donne cette définition classique :

Populace méprisable ; catégorie de personnes considérées comme viles.

Le Littré donne celle-ci, qui n'est pas moins classique :

La partie la plus vile de la populace.

Les deux dictionnaires sont donc d'accord sur l'emploi de deux mots : vil et populace.

Or vil au sens propre signifie "de peu de valeur" et au sens figuré "méprisable". Quant à "populace" il s'agit de la frange la plus basse d'un peuple. En s'en prenant à la "racaille" d'Annemasse, l'UDC Genève désigne donc une partie infime de la population d'Annemasse.

Il est même vraisemblable que l'UDC Genève entend "racaille" dans l'acception récente des quartiers défavorisés français, qui désigne ainsi les individus qui règnent par la crainte dans de tels quartiers, en verlan "caillera".

Que des frontaliers se soient sentis visés par le mot de "racaille", qui est très restrictif, en dit long sur les fantasmes que l'idéologie anti-raciste, créée par la gauche, peut susciter en France. Il est évident que l'UDC, dont le discours est différent de celui du MCG [Mouvement des citoyens de Genève] sur le sujet des frontaliers, ne visait dans cette pub que les criminels étrangers, qu'elle demande d'ailleurs d'expulser à la phrase suivante.

Or il faut se voiler la face pour ne pas voir que plus de 70% des condamnations pénales à Genève sont prononcées contre des étrangers (ici), venus de France pour une grande part. Reste bien sûr à savoir pourquoi il y a une telle criminalité étrangère à Genève. Peut-être les édiles de la France voisine devraient-ils se demander si leur incapacité à juguler leur propre criminalité chez eux et si la politique économique étatiste d'appauvrissement qui sévit chez eux ne sont pas des raisons suffisantes pour inciter leur "racaille" à aller saccager la Suisse voisine.

En région parisienne, le RER, et ses différentes branches A, B, C et D, sont de formidables moyens de transport, mais ils peuvent être, et ont été, des moyens de transport rapides permettant à la "racaille" des banlieues, au sens moderne du terme, de venir plus facilement faire des actions punitives dans la capitale. L'exemple qui me vient naturellement à l'esprit est celui des incursions de la "racaille" des grandes banlieues lors des manifestations contre le CPE.

Il ne fait donc pas de doute que c'est à ce genre d'accès facilité pour la "racaille" que l'UDC Genève fait allusion dans son avant-dernier slogan :

Ne leur offrons pas encore un accès à Genève !

En réalité la discussion devrait porter sur le bien-fondé de cette assertion - que le CEVA facilitera la venue de "racaille" à Genève - plutôt que sur le caractère raciste inexistant des phrases qui composent cette pub.

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